CATHERINE DE BAR A L'ECOUTE DE SAINT BENOIT

Par respect pour notre Fondatrice et pour ne rien perdre de sa pensée, nous avons choisi de conserver son vocabulaire et sa manière d’écrire au XVIIème siècle.

 

Ces religieuses bénédictines, aussi bien que les religieux, peuvent apprendre et reconnaître clairement l’excellence de leur sainte vocation par la lecture de ce prologue et l’étroite obligation que toutes ont d’y correspondre fidèlement, en s’avançant de jour en jour [dans] en la perfection ou Dieu les appelle par l’exacte observance de leur sainte Règle.

(n° 2082 pensée sur l’Institut) p. 31.)

 

Nous voulons que Dieu fasse des miracles pour nous rendre parfaites, sans qu’il nous en coûte rien ! Non, non il ne le fera pas ! Il nous a donné des règles, c’est à nous de les suivre, sans prétendre de voler sans [elles]. L’on s’étonne de tant de personnes qui souhaitent la perfection ; il y en  a peu qui y arrivent ; c’est qu’elles la souhaitent d’une autre manière que Dieu ne veut et, comme nous, nous faisons une voie selon notre propre esprit, tout notre travail n’étant pas secondé de la grâce, il est inutile. Exemple : Dieu vous veut petite, et vous voulez être élevée ; il vous veut dans le combat d’une passion, d’une habitude et vous voudrez en être affranchie sans travailler. Que celles qui sont dans les combats aient patience et prennent courage, c’est trop de bonheur pour elles de mourir.Ayons pour ce sujet recours au Saint Esprit, c’est son ouvrage que la  sanctification des âmes.

(n° 414 a Conférence pour le jour de la Pentecôte p.32)

 

Il faut recourir à Dieu, luidemander son secours, sans lequel nous ne sommes capable de rien.Le besoin que nous avons de Dieu pourremplir nos devoirs est si grand qu’il nous est impossible  d’être fidèle  sans une grâce particulière.

(N°950 conférence, 169) p.33).

 

L’expérience nous apprend assez que l’on n’arrive pas au dégagement parfait tout d’un coup,sans miracle d’une grâce extraordinaire. Aussi notre Dieu ne demande pas de nous que nous soyons parfaitement maitre et que nous jouissons d’une liberté entière dès le premier moment qu’il nous appelle mais il veut que nous soyons, et que nous nous exercions sans cesse les actes particuliers selon les occasions qui se présentent, afin que nous ayons quelque jour, en effet,ce que nous n’avons, au commencement,qu’en désir et en vue.

(N°2479 Maximes spirituelles. p 35).

 

Souvent Notre Seigneur nous laisse les peines et les tentations dont il ne veut pas nous délivrer. Pourquoi mes Sœurs, sinon qu’elles servent à nous purifier et à disposer nos âmes aux grâces et aux faveurs qu’il a desseinde nous communiquer si nous sommes fidèles à le laisser opérer en nous notre destruction et la mort de tout ce qui lui est contraire.

(N°1767 conférence du jour de Sainte Thérèse, 1687p. 36).

 

Je sens bien que le démon fait tout son possible pour vous accabler….Il  faut attendre en patience la conversion des âmes …….C’est àson divin esprit de faire cette opération, et vous et moi la devons attendre en vous avec une très grande patience, sans nous lasser …..

Pour toutes ces sortes de tentations que vous avez, c’est fort peu de chose. Dieu vous lesenvoie pour vous purifier …..Quand il plaira à Notre Seigneur, il vous les ôtera ou vous donnera la grâce d’en faire l’usage qu’il désire ……Tendeztoujours à Dieu quelque éloigné qu’il paraisse, car enfin il viendra, car cela  est certain ; mais ne désistez point de gémir àses pieds toujours, dans la confiance et en patience.  Ilfaut une longue et très longue persévérance.

(N°1415 Aune religieuse, rue cassette p.39).

 

Je vous prie, soyez déterminée, n’écoutez point la tentation ; il faut, malgré vous- même, que vous soyez à Dieu. Vous y ressentirez de la peine dans les commencements, mais la suite sera plus douce et plus accompagnée de grâces ; Notre Seigneur ne vous manquera pas. Entreprenez donc hardiment un généreux combat contre vous-même.

(N° 1007 A Mademoiselle Loyseau  p.39).

 

Chapitre premier : des espèces de moines

Nous pouvons inférer dans ce premier chapitre que rien n’est plus avantageux aux religieuses que de vivre en commun sous la conduite d’une Supérieure douée des qualités requises pour tenir dans le monastère, la place de Notre Seigneur et de sa très Sainte-Mère et conduire les âmes à la perfection de leur état.Cet esprit de communauté régnait parmi les Apôtres. Les premiers chrétiens en faisaient profession, et c’était leur joie et leur délice de ne posséder aucune chose. C’est de ces premières plantes du champ de l’Eglise que nous devons apprendre la pratique d’un saint  dégagement et, à leur exemple, n’avoir toutes qu’un cœur, qu’une âme, qu’une volonté, et qu’un même esprit,  retranchant toute singularité pour nous conformer en toutes choses à la règle commune du  monastère.

(Constitutions. p.43).

Chapitre deux : des qualités que doit avoir

l’abbé

Désirez ardemment Jésus et vous l’aurez ; il viendra en vous. Que ce désir soit l’unique qui vous occupe. Priez la Sainte Vierge qu’elle vous fasse la grâce de n’en avoir point d’autre et d’entrer dans la pureté de ses saints désirs. Mais, me direz-vous, la nécessité présente nous oblige à en avoir d’autres. Quelque grande qu’elle puisse être, il ne faut désirer que Jésus et son règne en nous. Plût à Dieu que se fut là notre principal soin ! Nous n’aurions que faire de craindre que quelque chose nous manquât. C’est lui-même qui le dit et qui nous le promet. Vous devez le croire « cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice et tout le reste vous sera donné en surcroît ».

(N° 2381 conférence. 17 décembre1694 p.48)

 

Chapitre trois : comment il faut prendre l’avis des frères

l faut s’accommoder, comme dit la sainteRègle, et croire que Notre Seigneur fait quelquefois connaitre ses volontés par les plus jeunes. Rien ne plait tant à Dieu que le cœur humble ; défiez- vous de vos propres sentiments.

(N° 949  A Mère Marie de Jésus, Prieure du monastère de Varsovie, ce 4 juillet 1695 p.51).

 

Chapitre  quatre : quels sont les instrument des Bonnes Œuvres

Eureuse l’âme qui a trouvé Dieu en soi : elle est plus heureuse que d’avoir conquis toute la terre.Aime Dieu et puis fais ce que tu voudras, dit saint Augustin.

(N° 2015 maximes. p.54).

Vous demandez ce qu’il faut faire pour que tous les moments de votre vie soient pour Dieu.Je ne sais rien autre chose,sinon qu’ils ne soient plus à vous-même et que vous ne vivez plus pour vous.Si vous me demandez comment, je vous répondrai que c’est par l’abnégation de vous-même en tout et partout, sans aucune recherche, sans aucune relâche. Sivous dites que cela est bien rude, je vous dirai qu’il faut bien que cela soit. J’ai toujours ouï dire que la vie chrétienne était une continuelle abnégation de toutes choses ; sans cela, ce n’est qu’une ombre et un amusement. Vous trouverez Jésus parfaitement en vous perdant, en vous éloignant de vous-même.

(N°1565 Billet à une religieuse, rue Cassette p.56).

Il nous faut seulement nous abandonner en toutes chose à son aimable volonté,sans nous mettre en peine d’autre chose …Aquoi bon se tant inquiéter pour l’avenir ? Il n’arrivera rien que par la permission de son adorable Providence.

(N°2654  Entretiens, aout 1694 p. 59).

Quand vous ne savez que faire, pensez que Dieu est avec vous, et occupez-vous à le remercier de toutes les grâces qu’il vous fait actuellement ; vous en recevez une infinité auxquelles vous ne pensez pas, et que vous ne connaissez mêmepoint.

(N° 2829  Entretiens familier p. 63).

L’attention à Dieu, le regard de Dieu simple, l’adhérence à Dieu, tous trois sont quasi mêmechoses. Il ne faut que la fidélité à ces choses pour être bientôt parfaite. Heureuse l’âme qui a trouvé en soi ! Elle est plus heureuse, que d’avoir conquis toute la terre. (N°621.Diversités spirituelles p.65)

 

Chapitre  cinq : de l’obéissance

Je ne vois rien de plus nécessaire à une âme que l’obéissance, après avoir bien considéré ce qui est écrit de Jésus Christ : qu’ « il a été obéissant jusqu’à la mort et la mort de la croix ». L’on ne fait pas tant de mention de ses autres vertus comme de son obéissance : « obéissance jusqu’à la mort de la croix ». Aussi est-ce jusqu’à ce point où notre bienheureux Père la met dans sa sainte Règle, puisqu’il la jusques aux choses impossibles. Si nous concevions bien cela, nous serions plus ponctuelles, non seulement à obéir aux supérieures et à toutes sortes de personnes pour l’extérieur, mais à Dieu selon son degré. Que cette obéissance est grande et qu’elle est d’une longue étendue !…

(N° 1218 Conférence sur l’obéissance)

 

L’obéissance a trois conditions, sans lesquelles elle ne peut être parfaite :

1°) Elle doit être prompte et sans retardement, quittant tout ce que l’on fait… aussitôt qu’on entend l’ordre de l’obéissance,

Et c’est par cette promptitude que ce fait le sacrifice de la propre volonté…

2°) L’obéissance doit être aveugle, ne se donnant jamais la liberté d’examiner… ce qui est plus ou moins proposé puisque, si l’on résonnait, ce serait seulement obéir à la raison humaine… 

 3°) L’obéissance doit être entière… Celles qui manqueront volontairement à une de ces trois conditions ne rendront point parfait le sacrifice qui rend à Dieu le Maître absolu de notre volonté… ; et l’obéissance étant défectueuse et imparfaite ne peut lui être entièrement agréable.

(Journée religieuse.)

 

La principale vertu, c’est la sainte obéissance, sans quoi nous ne pouvons  être vraies religieuses ni faire aucune chose qui soit agréable à Dieu… La religion établit des supérieures dans chaque monastère pour donner lieu aux religieuses d’obéir. Il les faut regarder comme celles que Dieu a choisies pour tenir sa place et pour lui confier son autorité ; c’est pourquoi il faut les respecter

Et leur obéir simplement et sincèrement comme à Dieu même ; ce sont les paroles de notre sainte Règle, c’est le moyen de conserver le bon ordre dans une maison religieuse et d’y vivre de la sainteté que nous y professons, car, sans l’obéissance, il n’y a rien dans   une religieuse qui puisse plaire à Dieu.

(N° 1300 à toute la communauté de la maison de Pologne, 5 août 1695.)

 

Ne refusez rien à Dieu et dites en vous-même :  « Je suis créée pour Dieu, c’est pourquoi tout ce que je suis est à Dieu ; je dois donc plus vivre pour moi, mais  être petite partout, céder partout ».

(N°2998 diversités spirituelles.)

 

Chapitre six : de la  retenue dans les paroles

Notre glorieux Père saint Benoît nous fait assez connaître que le silence est absolument nécessaire pour maintenir la discipline régulière et que, dans les monastères où il ne sera point exactement observé, il n’y aura jamais aucune solide spiritualité. Et l’expérience fait assez voir qu’il ne faut point chercher le véritable esprit de piété et d’oraison dans une communauté qui n’a point de récollection.

C’est pourquoi notre grand Patriarche veut même que les plus parfaits gardent le silence, quoique leurs paroles soient pleines de grâce  et d’édification… le Fils de Dieu leur doit servir d’exemple : pendant les trente premières années de sa vie sur terre,  L’Evangile remarque qu’il n’a parlé qu’une seule fois et qu’il s’est tu au temps de sa Passion, quand les Juifs l’ont chargé           d’outrages, qu’il a été interrogé par les juges et que sont saint Corps a été navré de plaies et baigné dans son sang « Ipse autem tacebat ». Mais son silence nous paraît encore plus admirable dans la divine Eucharistie, si l’on considère les injures qu’on lui fait.

(N°2278 Conférence.)

 

Quel est notre silence ? Est-il conforme à celui de Jésus-Christ ? Lorsqu’on nous choque ou qu’on nous contredit, l’on ne le peut souffrir. Il faut s’excuser. Et l’on se donne aussi la liberté de parler en toutes rencontres sans aucune nécessité. L’on veut tout voir et tout savoir, l’on s’ingère de mille choses dont l’on n’a que faire. Allons au Très Saint Sacrement apprendre à nous taire.  

(N°1193 Chapitre.)

 

Je me trouve dans une extrême pauvreté, mes Sœurs, que je n’ai pas un mot à dire ; ne serait-il pas meilleur de vous laisser dans la solitude et, dans le silence, et d’écouter Dieu, puisqu’il est plus utile à l’âme de parler à Dieu que de parler de Dieu ?  O mes Sœurs, que c’est une chose  sainte que le silence ! Si je regarde Jésus au sein de sa glorieuse Mère, je le trouve observant un profond silence.

La parole éternelle se fait muette, pour nous faire estimer le silence et concevoir en lui quelque chose de grand, puisquun Dieu même, qui ne peut rien dire que de très excellent, est venu en terre pour garder un si prodigieux silence. Au moment qu’il s’incarne.

Et dans le temps de sa solitude en Marie ? Il ne parle point…

Croyez-vous pas que notre Père saint Benoît a honoré la solitude et le silence de Jésus lorsqu’il se renferma de le grotte de Subiaco ?  Et son profond silence produit les effets merveilleux de son Ordre, Dieu le préparait à recevoir les éminentes grâces que l’on remarque en lui et le remplissait de l’esprit de tous les justes. C’est dans cette chère solitude qu’il a appris les secrets divins, qui ne peuvent être exprimés par nos paroles

(N°1013 conférence du jour de notre Père saint Benoît,  décembre 1662)

 

Bienheureuse l’âme qui peut se confier et abandonner à Dieu ! Elle fera plus de progrès que celles qui parlent tant. Ce n’est pas le discours qui perfectionne, mais la vraie humilité et la bonne mortification. Exposez vous à Notre Seigneur dans vos impuissances et dans votre ignorance. C’est assez savoir que de croire, Dieu et Jésus Christ, son Fils, et vous abandonner à leur sainte conduite.

(N° 2248   à la comtesse de Chateauvieux)

 

Chapitre dix neuf : des dispositions à apporter à la psalmodie

J’apprends, ma très chère Mère, que le Verbe éternel, cette parole adorable, devenu muet au sein de sa glorieuse Mère, vous a fait perdre la parole aussi bien que la voix ;  je vous prie, très chère fille, de prier sa très sainte Mère de vous rendre l’une et l’autre, pour l’amour de son divin Fils au très Saint Sacrement, où il est aussi dans cet auguste mystère un Dieu sans parole ; mais il veut que nous en ayons pour l’adorer et chanter ses louanges. Je vous prie, très chère, de prier humblement le Fils et la Mère de vous donner la faculté de parler et de chanter ; demandez-leur cette grâce par obéissance, afin que, tenant la voix de leur souveraine bonté, vous puissiez les honorer en chantant leurs louanges et en apprenant à vos novices à les aimer et servir fidèlement. Ne m’oubliez pas auprès de la sainte famille de Bethléem; je suis si accablée de menus tracas que je ne puis que vous assurer que je suis de cœur tout à vous.

(N° 867 A Mère Marie de Jésus Chopinel, Paris, 5 décembre 1683.)

Pour rendre le sacrifice de louange agréable à Dieu, il est absolument nécessaire que, suivant l’avertissement de notre glorieux Père saint Benoît, les Sœurs se considèrent toujours en sa sainte présence, accompagnées des bienheureux Esprits, afin qu’en psalmodiant, leurs cœurs et leurs affections soient d’intelligence avec leurs langues et leurs voix.

(Cérémonial.)

 

Mes Sœurs, c’est l’œuvre de Dieu que l’Office divin. Ne croyez pas que ce soit une chose dont il faille s’acquitter négligemment. On peut dire : «Qu’est-ce que dire un bréviaire ?» C’est ce qu’on peut faire depuis le matin jusqu’au soir. Il n’y a rien de si saint, mes Sœurs, et où il y ait moins d’humain qu’au récit de l’Office divin. Tout est employé pour honorer Dieu : l’esprit, les sens. L’esprit, par application ; les oreilles, pour écouter ; les yeux, pour regarder ; la langue, pour parler ; tout le corps, par les prostrations : tout est employé à ce saint exercice. Nous ne devons jamais aller à l’Office qu’avec grand respect, avec zèle et un saint recueillement; il faut se préparer par ces trois choses: respect, zèle, recueillement. C’est l’œuvre de Dieu par excellence. Dans l’Eglise romaine, on ne l’appelle point autrement que: l’Œuvre  de Dieu. Nous faisons ici-bas ce que les anges font dans le ciel, où ils chantent sans cesse les louanges de Dieu par leur « Sanctus … »

Souvenez-vous que c’est à Dieu que vous parlez. Notre glorieux Père saint Benoît, que vous dit-il dans sa Règle? Ne vous avertit-il pas de la présence de Dieu [et] avec quel respect vous devez psalmodier?

(N° 3128 Chapitre).

 

Il faut aller à l’Office divin, il faut s’y comporter avec une profonde révérence, une grande modestie, et il est bon, entrant au chœur, de renouveler notre foi sur la réalité de Dieu présent. Voyez les saints anges: avec quel respect et révérence ils assistent en sa sainte présence! Nous le possédons aussi véritablement qu’eux, à la réserve qu’ils le voient à découvert, et nous ne le voyons qu’à travers le voile de la foi.

(n° 3059 Chapitre, en parlant à une Novice)

 

Je vous dirai aussi, en passant, que nous avons reçu [de notre bienheureux Père] l’adoration perpétuelle, qui est un «laus perennis» intérieur. Au commencement de l’Ordre, il y en avait un extérieur, et il serait à souhaiter qu’il durât encore. Mais nous le faisons mentalement, adorant nuit et jour, et nous succédant les unes les autres. Faisons donc bien cet exercice que nous avons reçu du cœur de notre bienheureux Père saint Benoît.

(n° 3129 Conférence pour la fête de saint Benoît.)

 

Elles entreront dans le lieu sacré, où cette majesté adorable réside, avec un très profond respect, s’unissant à la compagnie des anges qui l’y adorent incessamment avec des dispositions si saintes que cette seule réflexion serait suffisante pour élever leur cœur à Dieu, et entrer dans ce respect si profond, qui nous doit tenir en sa sainte présence, et psalmodier saintement, mais, quoiqu’il faille tâcher de se rendre au Chœur des premières, il faut néanmoins y aller modestement, sans courir ni faire de bruit.

(Journée religieuse)

 

Quant à l’Office divin, vous pouvez renouveler l’attention en disant le Gloria Patri. L’esprit jette son œillade vers Dieu sans peine ni sans inquiétude, un petit penchant de cœur, une petite adhérence à Dieu en simplicité de cœur; il ne faut point d’embarras.

(n° 3136 A Mère Saint Placide, rue Saint Louis, ce mardi soir, 28 février 1696).

 

Chapitre vingt : de la révérence à garder dans la prière

Oyez fidèle à demeurer en la présence de Dieu sans vous mettre en peine de ne pouvoir rien faire. Jésus Christ est celui qui vit en nous, nous n’avons qu’à adhérer à lui en humilité et simplicité de cœur et d’esprit… N’ayez point de répugnance d’être en la présence de Dieu sans rien faire, puisqu’il ne veut rien de vous que le silence et l’anéantissement, vous ferez toujours beaucoup lorsque vous vous laisserez et abandonnerez sans réserve à sa toute puissance. Soyez fidèle en ce point, ne vous affligez point de vos distractions, laissez-les passer et demeurez humblement aux pieds de Jésus, vous estimant indigne de ses grâces.

(N° 1746 A Mère Marie de Jésus Chopinel, Caen, 24 mai 1649.)

 

Notre saint Législateur, qui sans doute était un homme d’oraison, ordonne à ses disciples de s’appliquer à ce divin exercice avec pureté et componction de cœur, en sorte pourtant que dans la Communauté l’oraison soit courte, si ce n’est que quelqu’un en particulier la prolonge par un’ spécial mouvement de l’Esprit de Dieu, qui se communique à qui il lui plaît.

(Cérémonial.)

 

L’oraison n’est pas si pénible que vous pensez. Il y faut aller dans le dessein de se laisser tout à Jésus Christ et se soumettre à sa très sainte volonté, dans l’agrément de tout ce qu’il lui plaira vous y donner, soit ténèbres, soit impuissances, soit inquiétude, soit tentation. Humiliez-vous et demeurez contente du bon plaisir de Dieu.

(N° 2248 A la comtesse de Châteauvieux)

 

Pour votre oraison, vous la commencerez par la foi, vous tenant en silence, et, faisant cesser tout babil et raisonnement, vous vous tiendrez en simplicité au-dessous de Dieu.

(N° 638 Entretien familier).

 

Vous mettant à genoux pour faire votre oraison, vous la commencerez par un acte de foi de Dieu présent. Vous l’adorerez en abaissant votre esprit devant sa très sainte majesté … en sa présence, avec résolution de vous y tenir dans un profond respect et dans une volonté toute soumise et tout abandonnée à la sienne très adorable. Et lorsque les distractions se rendront importunes, en les méprisant seulement, tourner votre regard intérieur vers Dieu, vous remettant simplement dans le souvenir de sa souveraine majesté.

(n° 3106 A la comtesse de Châteauvieux.)

 

L’oraison du cœur n’est autre chose que de croire Dieu dans son cœur, de l’y adorer et de se laisser amoureusement à lui. Cette oraison ne demande point d’autre instruction que les inventions que le Saint Esprit inspire à l’âme. C’est l’amour divin qui en est le maître et le directeur, et voilà le secret; les créatures ne doivent point s’ingérer de faire son office.

Cette oraison porte amour et respect des grandeurs de Dieu; l’âme n’a qu’à se recueillir et s’occuper doucement de Dieu, voilà tout ce que j’en sais. Chacun en reçoit des effets différents selon les voies et les conduites de Dieu. Cette sorte d’oraison, quand l’âme est fidèle, doit opérer une profonde humilité, une grande simplicité, Douceur, charité, résignation, toutes les vertus s’y trouvent renfermées ; l’usage vous le fera expérimenter.

Ne gênez point votre esprit ; suivez Jésus Christ en humilité et simplicité.

(n° 2032 A la comtesse de Châteauvieux.)

 

Il y a un certain regard vers Dieu qui tient lieu de toutes choses à l’âme pour la tenir appliquée à Dieu seul et sans chercher autre chose que de l’adorer et de lui rendre en silence tous les hommages possibles, qui tient l’âme simplement élevée et attachée à Dieu des heures entières, sans chercher autre chose que Dieu en Dieu, et Dieu pour lui-même.

(N° 1957 A une Religieuse de l’Institut.)

Persévérez dans l’oraison simple, sans vous rebuter de vos faiblesses ou par le trop peu de progrès que vous faites dans la vertu ; ce n’est point ce motif qui doit vous faire agir, mais Dieu uniquement pour lui-même … Vous faites demeurer la volonté en Dieu, sans discours, ni raisonnements, vous demeurez de la sorte en lui, et il fait en l’âme ce qu’il lui plaît.

(n° 2239 A Mère Françoise de Sainte Thérèse du Tiercent, à Paris, 1674.)

C’est une grande miséricorde de Dieu et une marque qu’il vous veut tout à lui et appliquée à lui seul, par un regard simple et amoureux … 1\ veut de vous deux choses: le silence intérieur qui renferme en soi l’attention simple et, l’adhérence à Dieu. C’est ce qui s’observe dans ce regard silencieux et respectueux que vous pratiquez qu’il faut continuer, quelque sécheresse ou incapacités de demeurer en la présence de Dieu que vous puissiez ressentir. Ne désistez point de votre fidélité, ne regardez jamais le profit qui vous en revient… J’espère que dans la suite de ses miséricordes, il vous fera entrer dans un plus grand dégagement de
vos-propres pensées et de vos craintes. Courage, allez à lui avec confiance et amour, non sensible, mais de foi et d’abandon.

(N° 2217 A une Religieuse, rue Cassette.)

 

Il est bien juste que nous reconnaissions l’amour que Jésus Christ nous porte. Une des plus intimes dispositions que vous pourriez prendre serait de vous tenir dans un profond respect devant cette adorable majesté, de demeurer en sa sainte présence avec un silence d’étonnement, d’être le plus que vous pourrez dans ce saint recueillement, qui vous tient quasi toujours dans une disposition d’adoration, d’admiration et de reconnaissance, et qui vous porte à vous réduire amoureusement dans le néant, dans la douceur et dans la fidélité aux occasions.

(N° 3037 A une Religieuse, rue Cassette. )

Dieu ne vous doit rien. Si vous sentez des rebuts à l’oraison, s’il vous semble que Dieu vous méprise et ne vous écoute pas, gardez-vous bien de murmurer comme si Dieu vous devait quelque chose. Au contraire, humiliez-vous, ne faites point comme celles qui, lorsqu’elles ne sentent point de douceur ou leur petit attrait, se découragent, se chagrinent, comme si tout était perdu. Ces personnes-là se recherchent elles-mêmes et non pas Dieu.

Mais, me direz-vous, je me chagrine parce que je crois que ma sécheresse vient à cause de mes infidélités et qu’elles sont la marque de la disgrâce de Notre Seigneur. Ces raisons-là ne sont qu’amour-propre. Si c’est vos infidélités qui vous les ont attirées, vous les devez souffrir comme une pénitence que vous avez méritée. Il ne faut pas tant se réfléchir, il faut s’abandonner. Marchons dans les pures lumières de la foi et non point dans la vanité de nos sens. Laissons-là, ne pensons qu’à contenter Dieu, admirons cette bonté qui nous souffre, cet amour infini qu’il a pour nous; ne pensons qu’à l’aimer, qu’à le contenter. Voilà l’unique nécessaire, tout le reste n’est rien.

(N° 2548 A une Religieuse en particulier. )

Ce n’est pas les belles lumières ni les goûts qui font une bonne oraison, mais c’est la conformité à la volonté de Dieu. Allez à l’oraison pour contenter Dieu, et non point pour y chercher votre satisfaction : … «Me voici pour vous adorer, vous êtes la grandeur infinie et c’est ma joie ; et moi, l’extrême pauvreté et misère, j’en suis contente». Ah ! la belle oraison de se réjouir de ce que Dieu est ce qu’il est! … Prenez part au plaisir que Dieu prend en lui-même, adorez ses divines perfections, réjouissez-vous de ce qu’il sera toujours le même durant toute l’éternité. »

(N° 607 Entretiens familiers, 29 septembre 1694.)

Il faut nous établir dans la foi pure de Dieu en nous, non seulement comme soutenant notre être, mais comme opérant et concourant à tout ce que nous faisons. 1\ ne faut point d’imagination pour le croire, mais la foi toute simple suffit, pourvu qu’elle soit continuelle. Si elle s’amortit, il faut la réveiller doucement jusqu’à ce que l’habitude en soit formée et que l’âme se voie plus en Dieu qu’en elle-même. Il me semble que cette vérité de Dieu essentiellement en nous fait un admirable effet pour nous faire voir notre dépendance de sa bonté, et pour nous soutenir en respect et amour en sa sainte présence. Car si, au dedans, il semble que les organes de l’âme soient obscurcis et comme impuissants de s’élever pour trouver Dieu, la vérité le fait posséder en foi puisqu’il est vrai qu’il nous environne, qu’il est tout notre être plus nous que nous-même. Et si l’âme dit : «je ne puis être unie à Dieu à cause de mes impuretés» je lui réponds qu’elle est en Dieu, qu’elle vit en lui et que, si elle doute avoir quelque crime en sa conscience, qu’elle le déteste et se tienne en Dieu par la foi; elle en recevra de très grands avantages.

Si on savait le bien que l’âme reçoit de cette présence quand elle s’y exerce en foi à toute heure ! Elle se trouve investie de Dieu jusqu’à des pénétrations inexplicables. Tout notre mal est que nous ne voulons pas nous captiver sous cette loi d’amour et de simple application à Dieu à présent.

(N° 592 Chapitre.)

 

Il faut accoutumer votre esprit à se nourrir de la présence de Dieu en foi, et s’en contenter dans l’oraison. Si d’abord il s’occupe de cette divine présence, il faut qu’il s’en laisse remplir et posséder. Tant que la mouche à miel voltige sur les fleurs, elle ne fait ni miel ni cire; de même, tant que votre esprit se remplit de multiplicités, il n’est pas capable de goûter Dieu ni de le posséder. Il faut qu’il apprenne à se taire et à demeurer avec respect et attention amoureuse à sa sainte présence, y portant acquiescement au bon plaisir de Dieu et à toute sa sainte conduite sur vous, demeurant en cette posture d’abandon autant de temps qu’il vous sera possible, mais du moins une petite demi-heure le matin et quelque quart d’heure le soir.

(N° 1325 A la comtesse de Rochefort.)

Aimons bien Dieu, adorons-le, louons-le incessamment, nous n’avons que cela à faire et à penser: Que la créature est misérable de s’occuper d’autre chose que de Dieu, je ne le saurais dire; oui je voudrais avoir une voix assez forte pour le crier à toutes les créatures, qui fût comme le rugissement d’un lion ou le bruit d’un taureau pour faire entendre d’un bout du monde à l’autre le malheur d’une âme qui est désoccupée de Dieu d’un moment.

(N° 13 Diversités spirituelles.)

 

Chapitre trente quatre : Si tous doivent recevoir également le  nécessaire

Conservant avec le plus de soin qu’il leur sera possible ce qu’on leur donne pour leur usage particulier, les Sœurs considéreront que toutes ces choses appartiennent à Jésus-Christ.

(Journée Religieuse)

 

Chapitre trente six : des frères malades

De tous les lieux de la maison, il n’y en a point où Jésus Christ se trouve plus présent qu’à l’infirmerie, c’est là où il souffre en la personne des religieuses malades, ses épouses.

Je ne parle point du chœur, qui est le « sancta sanctorum » où il réside réellement par le très Saint Sacrement, comme dans son trône.  Mais il est à l’infirmerie sur sa croix ; c’est pourquoi il faut s’y comporter avec respect, et n’y rien faire ni dire qui pût tant soit peu l’offenser.

(N°328 Pensées sur l’Institut)

 

Prenez la sainte patience pour votre exercice pratique ; elle est merveilleusement de saison. L’on doit la tenir dans ses mains parce que l’usage en est fréquent, et l’on peut dire qu’elle est de pratique à toute heure, tant pour les souffrances du corps que celles de l’esprit.

(N° 2520 entretiens familiers, 2 mai 1695)

 

Chapitre quarante deux : Que personne ne parle après complies

Notre bienheureux Père saint Benoît est le premier qui marque distinctement l’Office de Complies….

(Cérémonial.)

 

    …Les soeurs tâcheront de prévoir si bien tout ce qu’elles on à dire aux heures destinées pour cela, qu’elles ne soient pas obligées de dire une seule parole, ni d’en faire dire aux autres par leur faute aux heures indues, surtout pendant le grand silence, qui est depuis Complies, jusqu’au lendemain Prime, et l’heure du grand silence…

  Elles demanderont les choses dont elles auront besoin, tant pour elles que pour leurs offices dans les temps et la manière qu’il est ordonné, et si elles avaient oublié quelque chose nécessaire, elles ne la demanderont pas pendant le silence sans permission. Pour les autre temps elles pourront le faire en peu de mots et fort bas….

   Quant à l’égard des choses qu’on n’aurait pu prévoir… on pourra le demander même dans le temps du grand silence ; mais il faut se souvenir lorsqu’on sera obligée de parler dans ces occasions de le faire toujours si bas, qu’il n’y ait que celle à qui l’on parle qui le puisse entendre.

(Journée religieuse.)

 

Chapitre quarante huit : du travail manuel de chaque jour

Voyez si vous n’avez pas plus d’empressement pour le travail que pour votre perfection. En sortant du chœur, n’allez pas vous y mettre avec tant d’activité. N’estimez les choses qu’autant que Dieu en fait cas,

(N° 315 Conférence).

 

La Mère Prieure et la Maîtresse des Novices auront égard de donner à chacune des Sœurs un travail proportionné à leurs forces, et mettront si bon ordre que pas une, selon la sainte Règle, ne demeure oisive …

Elles s’y emploieront, par soumission à l’ordre de Dieu, en esprit d’humilité, de pénitence et de pauvreté, pour se conformer à notre adorable Sauveur… les saints Apôtres nous ont laissé le même exemple … les saints Pères des déserts en ont fait de même. Enfin notre glorieux Patriarche nous l’ordonne si expressément que nous n’y pouvons manquer sans infidélité … Comme nos Sœurs ne doivent rechercher en toutes choses qu’à faire la volonté de Dieu, elles prendront bien garde de suivre leur inclination dans le choix de leur travail, non plus que dans les autres choses, ni d’en faire aucun de leur propre volonté, mais elles s’occuperont à ce qui leur sera marqué par l’obéissance, comme si Dieu même le leur avait ordonné …

Elles se souviendront que le travail corporel est un des principaux exercices de la vie monastique, recommandé expressément dans notre sainte Règle et pratiqué anciennement par tous les Pères des déserts, et encore aujourd’hui dans les monastères bien réglés …

Toutes celles qui auront zèle et affection pour notre sainte Règle contribueront de tout leur possible à ce que toutes les choses nécessaires à l’usage de la Communauté se fassent dans le monastère, comme notre glorieux Père saint Benoît nous le recommande si expressément.

(Journée religieuse,)

 

Nos Sœurs s’occuperont plus particulièrement à la lecture les dimanches et les fêtes que l’Église nous oblige de sanctifier. Ce qui ne se fait pas seulement en cessant de travailler, mais en s’occupant davantage de Dieu par de bonnes œuvres, soit en méditant, ou s’employant à la prière, à la lecture spirituelle …

Il est permis, pendant le travail d’obligation, de lire, une fois ou deux, quelques pages de l’Imitation de Jésus Christ ou dans notre sainte Règle ou autre livre, quand on en a besoin pour se recueillir.

(Journée religieuse,)

 

Il ne faut pas négliger la lecture des livres, mais il les faut lire en simplicité et en esprit d’oraison, et non par une recherche curieuse. On appelle lire de cette façon quand on laisse imprimer dans son âme les lumières et les sentiments que la lecture nous découvre et que cette impression se fait plutôt par la présence de Dieu que par notre industrie.

(N° 544 Conférence,)

 

Chapitre quarante neuf : De l’observance du Carême

Ne vous tourmentez point pour les pénitences : la divine Providence y pourvoira suffisamment ; soyez libre, sans attache à rien, mais toujours prête a ce qu’il plaira au Seigneur vous envoyer ; ne recevez rien de la part des créatures, mais comme venant toujours de Dieu, afin que vous demeuriez en lui dans les déplaisirs qui surviennent.

(N° 359 A une Religieuse du second monastère de Paris.)

 

Je vous conseille de devenir humble, douce, patiente, en sorte que votre intérieur soit humilié ; cela ne se ressent pas dans votre fond, l’âme a de la propre excellence et de l’élévation, et n’est-ce pas ce que vous devez craindre ? J’approuve la présence de Dieu, mais il faut qu’elle vous porte aux pratiques chrétiennes et morales. Voilà ce que Je puis vous dire. La pénitence que Dieu veut de vous c’est que vous deveniez humble.

(N° 700 A une Religieuse, rue Cassette)

 

Il faut faire pénitence toute votre vie: pour vous, pour moi, et pour tous les pécheurs. Mais comme vous n’êtes pas capable de faire de grandes choses, il faut vous humilier profondément et unir le peu que 1’ obéissance vous permettra aux souffrances de Jésus …

Soyez tout à Jésus sans réserve. En vérité, il n’y a que cela à faire: tout le reste n’est rien. Allez à lui le plus généreusement que vous pourrez; vous n’aurez pas assez de temps pour l’aimer ; prenez-en une sainte habitude et ne vous en désistez jamais.

(N° 526 A une Religieuse, rue Cassette. )

 

Je veux bien que vous fassiez quelques pénitences, mais,discrètement. Vous n’aurez point plus de discipline dans ce saint temps de Carême que la communauté… Ne vous privez point de fruits ; vous avez besoin d un peu de rafraîchissement, prenez aussi du vin avec votre eau.

(N° 1237 A Mère Saint Placide, rue Saint Louis.)

 

Portons toujours avec nous une petite serpette pour couper cette parole, trancher ce regard, vaincre cette saillie, et petit à petit, sans beaucoup de peine, nous viendrons à croître. Il est bien plus aisé de rompre et d’arracher au commencement un petit arbrisseau que d’attendre qu’il ait de fortes racines et un gros tronc.

Je ne vous dis pas de grands mots qui vous éprouveraient, comme : de mort continuelle et de grande mortification. Vous me diriez: «Comment est-il possible de mourir et se renoncer sans cesse ?» Mais il est plus doux de vous dire : «Retranchez, sapez, coupez», et, à la suite, vous verrez que Dieu bénira votre petit travail. C’est à quoi je vous exhorte. »

(N° 2602 Conférence du 26 avril, 4e dimanche après Pâques.)

 

Nous ne vous donnons aucune austérité corporelle. Prenez les fatigues de vos emplois pour votre pénitence de ce saint temps et votre pratique intérieure doit être la fidélité que vous marquez dans votre billet sur les petites occasions de mortification que la divine Providence vous envoie. Elle ne vous manquera pas. Suivez-la amoureusement et respectueusement en esprit de foi. Pour votre intérieur, tenez-le recueilli sans adhérer à la curiosité de l’esprit humain. Soyez courageuse pour Dieu et tâchez de vous abandonner toute à lui. Allez à Notre Seigneur comme un petit enfant tout plein de confiance. C’est votre Père et qui vous aime en vérité. Abstenez-vous des paroles inutiles pendant ce saint temps, pendant la journée. Entre-édifiez-vous l’une l’autre et que la charité règne dans votre cœur comme la souveraine de toutes les vertus.

(N° 1388 A une Religieuse, rue Cassette.)

 

Chapitre cinquante deux : De l’oratoire du monastère

Le 6 novembre 1697, me parlant sur l’oraison, elle me dit : «je ne regarde jamais ce qui est plus élevé, ou plus bas, mais seulement l’attrait de Dieu sur les âmes, et où il les attire. Car la plus simple méditation est aussi bonne et aussi sainte pour une âme, quand elle y est appelée, que la plus haute contemplation. Il n’importe, pourvu que nous y soyons comme Dieu nous y veut. Je vous dirais moi-même que quelquefois on me met au commencement de l’oraison, et d’autres fois à la fin. Il ne faut pas tant se tourmenter. Je vous dirai ce que je ne dirais pas à tout le monde, qu’il faut à l’oraison attendre Dieu. Je veux dire qu’il opère en nous selon son plaisir, et le laisser faire notre destruction. La lecture est bonne et utile quand on n’y a rien, et que l’on est distraite. Vous en pouvez faire quelquefois, quoique je vous dirai que pour vous, vous ferez mieux de n’en point faire, et de souffrir en la présence de Notre Seigneur les dispositions pénibles où il vous met, et vos distractions, en vous en détournant doucement, sans vous en troubler et inquiéter. Portez tout en patience et soumission aux conduites de Dieu, vous contentant de n’avoir rien que des misères, pauvretés, impuissances, etc. Humiliez-vous seulement et tout ira bien, car l’humiliation de l’âme attire Dieu en elle. Contentez-vous donc de l’état souffrant que vous portez, et ne voulez rien autre chose».

(N° 2067 Entretiens spirituels, 6 novembre 1697.)

 

 [L’église]  est le lieu saint où se doit observer un silence et respect perpétuels. L’on n’y doit jamais parler que quelques mots de nécessité absolue et fort brièvement, à voix basse. Les anges n’osent parler devant cette auguste Majesté et nous avons souvent la hardiesse d’y commettre des légèretés et d’y prononcer des paroles Inutiles et mouvantes à rire. Il faut marcher et fermer les portes doucement.

(N° 2176 Chapitre.)

Soyez fidèle, à l’intention que Jésus Christ a eue sur vous dès l’éternité où il a vu et disposé de toutes vos actions jusqu’aux moindres. Dussiez-vous vivre encore cent ans, envisagez-le toujours et en tout. Laissez les diverses méthodes que l’on donne pour dresser ses intentions. La vôtre doit être d’adorer et regarder sans cesse celle de Jésus. Pour votre oraison, elle sera la plus simple que vous pourrez, sans vous embarrasser de pensées et de sujets; demeurez dans la posture que Dieu vous mettra.

(N° 1944 A la comtesse de Châteauvieux).

 

Soyez bien exactes à toutes les choses de la sainte Règle ; gardez bien aussi le silence.Demeurez toutes recueillies en vous-mêmes et toujours en Dieu, sans tant vous dissiper dehors parmi les créatures, qui vous dérobent le temps et l’attention que vous lui devez et empêchent que vous ne vous remplissiez de lui; car êtes-vous en état de faire oraison quand vous y allez de la sorte, avec un esprit tout distrait et rempli de mille inutilités, sans aucune préparation pour la bien faire et y recevoir les grâces et les lumières de Dieu? Il faut toujours vous y préparer par un saint recueillement en vous-même, regardant toujours Dieu présent.
Faisant ainsi, vous ferez toujours bien l’oraison en tout temps.

Mais, pouvez-vous me dire, je ne suis point distraite par ma faute ; je fais ce que je peux pour me recueillir, mais inutilement: mon imagination me forme cent idées folles dont je ne puis me défaire. A la bonne heure ! Si c’est malgré vous, elles vous sont un sujet de mérite et de patience, et non de péché. Souffrez ! Votre oraison est bonne quand vous y êtes de cette sorte et en quelque façon crucifiée, dans la peine, la privation et l’obscurité. Il ne faut pas que cette disposition vous la fasse négliger ou retarder. Au contraire, allez-y avec plus d’ardeur et de fidélité, dans un vrai esprit de sacrifice, vous y sacrifiant entièrement à la majesté de Dieu que vous voulez adorer, révérer et respecter par cette action.

(N° 3004 Chapitre, 6 août 1694.)

 

Chapitre cinquante huit : De la manière de recevoir les frères

Ce n’est pas peu pour bien avancer que d’avoir un vrai désir d’être à Dieu : voilà le premier pas  et le plus important pour nous acheminer dans la vraie perfection, car l’âme qui a faim de Dieu, sans doute elle sera rassasiée, notre aimable Seigneur nous l’assure par sa divine et efficace parole. Ayons de la foi et nous trouverons grâce et force en Jésus-Christ pour aller à lui. Puisqu’il vous a fait la miséricorde de vous donner ce désir, gardez-vous bien de le négliger, la grâce perdue ne revient plus.

(N° 2438 A une religieuse de Montmartre, 18 mars 1695), p. 145

 

Remarquez que dans les commencements l’on (ne) demande [peu] de vous, sinon que vous ayez un désir invariable et une volonté résolue et constante de vous quitter en toutes choses pour chercher votre Dieu, mais dans les parfaits…Jésus-Christ seul vit et règne dans l’âme, de sorte que ce n’est plus elle qui vit c’est lui seul qui vit en elle.

(N° 2479 Maximes spirituelles), p.146

 

Je vous conjure de vous rendre tout à l’amour de Notre Seigneur et de vous désoccuper de tout le reste. C’est trop peu de chose pour un cœur qui est créé pour aimer et posséder son Dieu. C’est le plus grand bonheur que l’on puisse avoir en ce monde, car si l’âme n’est avec Dieu par sa grâce et son amour, elle est misérable. Rien que Dieu, mon enfant, rien que Dieu, et la paix de votre âme sera éternelle. Courage ! réjouissez-vous et vous animez l’une l’autre.

(N°3075 A une Religieuse, rue Cassette, 7 octobre 16664, p. 146)

 

 

Chapitre soixante huit : Du cas où l’on enjoindrait à un frère des choses impossibles

Ce qui est impossible à la nature, Dieu le peut.

(N° 345 A la comtesse de Châteauvieux p.163),

 

Si  ce que l’on vous donne à faire surpasse vos forces, dites-le bonnement et humblement à la Mère Prieure, sinon recevez tout en silence avec humble soumission à Dieu, qui veut cela de vous.

(N° 3163 A Mère Saint Placide, rue Saint Louis, Paris, 1685 autographe)

 

Chapitre soixante douze : Du bon zèle que doivent avoir les moines

Il faut de la ferveur. Tâchez d’être toutes plus ferventes les unes que les autres. Sans ferveur vous ne ferez rien. Je n’entends pas cette ferveur qui fait courir avec précipitation pour se devancer au chœur ou à l’office; ce n’est point là la ferveur. Elle consiste en une grande exactitude à l’observance de notre sainte Règle, en une obéissance perpétuelle aux supérieures et en une charité, union, douceur et condescendance entre nous, afin qu’étant toutes membres d’un même corps, nous soyons une en Jésus Christ.

(N° 3102 Conférence).

 

Le corps de Jésus Christ est son Eglise, dont nous sommes membres. Le Père éternel nous a oints de la même onction qu’il a oint son propre fils, et notre baptême est le baptême de Jésus Christ. Par le baptême, nous sommes morts, avec Jésus, transformés en lui de manière que nous ne devons plus paraître, mais être toutes perdues et cachées en Jésus Christ.

Etant convaincues de cette vérité, vous ne devez jamais entre vous, vous regarder humainement.. Vous ne devez voir que Jésus Christ dans vos Sœurs, les regardant comme ses bien aimées, en qui il prend ses complaisances, destinées à le posséder éternellement dans la gloire. Vous aurez, dans cette vue, les unes envers les autres du respect, de l’estime et de la charité, vous n’y verrez rien humainement.

(N° 3157 Conférence, 11 mai 1695).

 

Soyez tendre aux souffrances du prochain et ne pouvant les aider dans leur pauvreté et leur affliction, prions pour eux.

L’esprit de Jésus inspire cette charité, il embrasse tout et veut faire du bien à tous. Hélas ! si les pauvres affligés savaient bien faire usage de leurs croix, ils se sanctifieraient. Demandez pour eux cette grâce.

(N° 2749 A une Religieuse de Toul)

 

Ne regardons jamais aux autres; voici un point de grande importance. Ne méprisons jamais personne, quoique, selon le monde l’on soit de moindre condition que vous, car à présent que vous avez l’honneur d’être professes, il n’y a plus de différence: vous êtes toutes égales, puisque vous êtes toutes remises en Dieu, comme je disais l’autre jour. Et ne jugeons pas, car cela n’appartient qu’à Dieu qui est le seul qui puisse juger avec vérité, car nous ne voyons que l’extérieur et souvent une action qui paraîtra mauvaise en apparence, ne le sera pas
en effet, car il n’y a que l’intention qui fait le péché. Et qu’une âme, à la mort, aura de consolation quand elle dira à Notre Seigneur: « Ne me jugez point parce que je n’ai pas jugé». Ah ! mes Sœurs, quel bonheur pour une âme quand elle peut dire cela avec vérité, et quelle assurance que d’avoir les promesses de Jésus Christ pour caution! Faisons en sorte que cela soit.

(N° 2362 Chapitre aux novices, 1687).

Nos Sœurs se parleront toujours fort civilement, sans se tutoyer. ni user de termes trop libres, ni contester entre elles, prenant garde surtout de ne se dire jamais de paroles rudes, ni rien de mortifiant…

Les Sœurs du Noviciat seront fort respectueuses envers les Mères de la Communauté.

La charité que nos Sœurs doivent avoir les unes pour les autres les doit porter à s’entraider.

(Journée religieuse)

 

L’on a coutume aussi de finir l’année par un exercice d’humilité et de charité,se demandant pardon les unes aux autres, vertu de charité que je vous recommande ou plutôt que Dieu vous ordonne par la bouche. « Ne dites jamais vos sentiments sur l’humeur ni sur la façon de faire de votre prochain directement ni indirectement,car ces sortes de libertés sont la peste de la Religion : cela détruit entièrement la charité et l’union sans laquelle les monastères ne sont plus que désordre et confusion. En matière de charité il n’y a rien de petit. tout est grand et considérable et Notre Seigneur nous l’apprend dans l’évangile lorsqu’il nous
dit que quiconque offense son prochain l’a touché à la prunelle de l’œil. Ecoutez la mesure que Notre Seigneur donne à l’amour que nous devons avoir pour notre prochain: c’est de l’aimer comme nous-même en sorte  que nous le devons traiter comme nous voulons être traité. Nous lui devons procurer le bien que nous nous souhaitons à nous-même: et quand vous voudrez dire quelque chose de votre prochain, faites réflexion si vous voudriez qu’on en dit autant de vous,: cette pratique vous retiendra Infailliblement. Que tout le monde soit en sûreté avec vous. Une autre considération qui vous doit retenir c’est que les fautes, contre le prochain sont presque toujours irréparables, quelque bonne volonté que, vous en ayez. Cette parole de mépris, ce sentiment que vous avez communiqué à cette personne s’est imprimé si fort dans son esprit qu’il ne lui est plus possible de l’oublier ni de l’effacer, quoi que vous puissiez dire.

(N° 23R3 Chapitre. der nier jour dl’ l’année.)

 

Ne rebutez point, soyez douce et condescendante, faisant service à toutes comme à Jésus Christ, et, quoique votre trait semble vous séparer, il ne faut pas se rendre insupportable ni à charge. La raison de ceci est que notre sainte Règle veut qu’on ne soit point la croix de son frère, et que l’on se prévienne l’une l’autre ; que l’on s’entre supporte autant qu’il est possible, parce que vous n’êtes pas érémitique, mais conventuelle. Donc il faut vivre dans la pureté et sainteté de cet état; et cela se peut sans sortir de notre désert, en vous accoutumant à voir  Jésus Christ dans nos Sœurs, à les aimer et servir comme Jésus Christ.

(N°456 A une Religieuse, rue Cassette)

Soyez douces et charitables dans les récréations, sans vous choquer l’une l’autre, conservant la paix. C’est ce que je vous recommande, Ne sortez point de la petitesse pour dire des paroles fières, car si vous ne conservez l’humilité vous sortez de l’état de victime et vous vous éloignez de la ressemblance à Jésus Christ immolé, sacrifié et anéanti sur l’autel. Encore une fois, je vous le répète, soyez douces, charitables et humbles: ce sont les vertus d’une victime du Saint Sacrement.

(N° 2663 Entretiens familiers.)

 

C’est une maxime véritable que tout ainsi que nous traitons notre prochain, nous sommes traités de Dieu. Recevez cette parole, non de moi, mais de la vérité éternelle qui dit que: «Que nous serons mesurés de la même mesure que nous mesurons autrui». Et il est certain que si nous avons de la douceur, de la compassion et de la condescendance pour nos Sœurs, Dieu en aura pour nous … Par des dispositions contraires à la charité, nous nous retirons de l’effet de la prière de Jésus Christ, Notre Seigneur. Car sa prière est toujours efficace, et tout ce qu’il a demandé pour nous à son Père lui est accordé. Or il lui demanda la veille de sa mort que tout, ainsi qu’il n’était qu’un avec Lui, que, de même, tous les siens ne fussent qu’un entre eux; et c’est dire par nos actions: (de ne veux point de la prière de Jésus Christ», lorsque nous conservons des sentiments, voire une pensée contre la charité. Il ne faut donc être qu’une âme et qu’un cœur. Mais quel sera ce cœur ?…Ce sera celui de Jésus Christ qui doit être notre cœur. Vous me direz et pourquoi pas celui de la sainte Mère de Dieu puisqu’elle est notre Mère et Supérieure ?  C’est qu’elle n’en a point que celui de son Fils …

Mais si cette union est pour tous les chrétiens, à plus forte raison pour nous qui sommes ou nous disons Filles du très Saint Sacrement qui est un sacrement d’union et de charité.

Nos cœurs sont faits pour aimer: ils ne sauraient vivre sans amour. Il faut donc renoncer à nous-même et à l’amour de notre propre esprit, pour n’aimer que par la charité de Jésus Christ, et, ce faisant, je vous promets que vous deviendrez des Jésus Christ.

(N° 217 Chapitre )

 

N’aimez donc que Jésus Christ, ne désirez que lui, n’estimez rien que lui,.ne possédez rien que Jésus Christ, ne goûtez rien que lui, ne vous rassasiez de rien que de Jésus Christ, n’espérez rien que lui, ne voulez rien que lui, ne cherchez rien que lui , ne prétendez  rien que lui, ne vous plaisez en rien qu’en lui, ne vous reposez en rien qu’en lui et prenez votre satisfaction d’être toute remplie de Jésus Christ.

(N° 1757 Pour le premier dimanche de Carême)

 

En guise d’épilogue : la paix bénédictine

Désirons la paix que Jésus Christ donne aujourd’hui à ses Apôtres qui est le fruit de sa vie glorieuse. Cette paix est un trésor du paradis, il ne se trouve point en la terre, c’est la présence de Jésus qui l’opère …

Cette paix divine fait le soutien de l’âme … L’âme possédant cette tranquillité, Dieu se contemple lui-même dans le fond de cette âme et y fait une impression de ses perfections divines … Quand Jésus donne sa paix à une âme, il lui donne son esprit, il lui donne son amour. C’est une grâce merveilleuse d’avoir cette paix qui calme les trou hies de nos intérieurs, qui chasse la crainte, qui tient l’âme dans un simple et amoureux abandon à l’opération divine … Qu’est-ce que cette paix sinon la présence de Jésus et sa demeure dans nos cœurs. C’est pourquoi le Saint Esprit réside au milieu de la paix, le prophète nous l’assure : «ln pace locus ejus», et si nous l’avons, le Saint Esprit nous enverra le divin amour.

 

(N° 325 Conférence, mardi de Pâques, 1665.)

 

Une âme qui possède cette paix est trop riche, elle est toujours égale dans les différents événements, parce qu’elle est établie en Dieu. Cette paix divine est le soutien de l’âme. Goûtez-la, très chère, non dans vos sens, mais dans le dénuement de toutes choses. Quand l’âme a perdu les créatures, elle jouit de cette
paix précieuse, qui tient tout en repos, en silence et en solitude. L’âme possédant cette tranquillité, Dieu se contemple lui-même dans le fond de cette âme, et y fait une impression de ses divines perfections
. Ceci est meilleur au goût intime de l’âme qu’à la parole qui l’exprime.

(N°1478 A la comtesse de Châteauvieux, quelques, jours, après Pâques, 1659.)